La levée des brevets sur les vaccins n’est pas une lubie insoumise : cessez de défendre les intérêts des laboratoires pharmaceutiques Madame la ministre !
Mme la ministre, cessez de défendre à tout prix les profits des actionnaires et cessez vos mensonges. Il est temps de sortir la santé et l’intérêt général des logiques de marché et du profit pour affronter les défis collectifs auxquels l’humanité est et sera confrontée.
La ministre de l’industrie Agnès Pannier-Runacher tente de masquer le fiasco de la stratégie vaccinale du gouvernement en m’interpellant directement pour affirmer que la levée des brevets sur les vaccins serait impossible et ne servirait à rien. Son argumentaire est un tissu d’imprécisions, d'omissions, de mauvaise foi et de contre sens. Nous ne sommes pas surpris : le gouvernement n'en est pas à son premier mensonge sur la crise du Covid et son obstination idéologique se paye en milliers de morts. Je prends donc le temps de lui répondre. Argument contre argument.
Alors que 2,7 millions de personnes dans le monde sont déjà mortes du Covid-19, l’accès aux vaccins reste extrêmement inégal et limité. Parce qu’on a laissé une poignée de laboratoires pharmaceutiques faire la loi à notre place : opacité sur les contrats, clauses d’irresponsabilité, calendriers de livraison non respectés, et surtout refus de suspendre les brevets, c’est-à-dire les droits de propriété intellectuelle sur les vaccins. Résultat : une pénurie mondiale ! Parce que Macron et l’Union européenne s'obstinent à défendre les intérêts des big pharmas.
Pourtant, la levée des brevets, chère Madame Pannier-Runacher, n’est pas la lubie de quelques députés insoumis. C’est ce que demandent non moins que le directeur de l’Organisation Mondiale de la Santé, Médecins sans frontières, deux-tiers des Français, plus de 100 Etats à l’Organisation Mondiale du Commerce et des centaines de parlementaires européens et nationaux. Pour ne citer qu’eux.
Ces brevets n’ont aucune raison d’être : la Ministre semble tout d’abord oublier que les vaccins et les lignes de production ont été largement financés par de l’argent public. Certains vaccins comme ceux de Moderna et AstraZeneca sont même directement issus de la recherche publique. Les marges des labos (presque 30% pour Pfizer) sont donc injustifiables et scandaleuses : nous leur payons des milliards qui ne rémunèrent rien.
Par ailleurs, les brevets ne permettent pas de développer plus rapidement les vaccins. Au contraire, ils mettent les chercheurs en concurrence plutôt qu’en coopération. Dès mai 2020, les universités finlandaises avaient créé un vaccin “open source” prêt à l’emploi ! Sans déposer de brevets !
La ministre ose même nous dire qu’en levant les brevets, on ne serait ”pas capable de produire plus de vaccins”. Mensonge, une nouvelle fois. Selon l’UNICEF, 57% des capacités mondiales de production sont inutilisées. Au Bangladesh, en Afrique du Sud, au Danemark, des usines qui pourraient produire des millions de doses ne tournent pas. Si les vaccins n’étaient pas protégés par la logique du profit, nous pourrions augmenter massivement leur production. Et sauver des millions de vies.
La logique de compétition profite aux 10 pays les plus riches qui préemptent près de 80% des doses produites. Pendant que les Etats du sud se disputent les doses restantes face à des labos en position de force qui les obligent à céder sur tout. Le nationalisme vaccinal de la France et de l'Europe est une aberration morale et sanitaire : on ne sortira de cette pandémie que si l’ensemble de la Planète est vaccinée ! Or, au rythme actuel de vaccination, il faudra attendre jusqu’à 2024...
Ce système est perdant perdant pour tout le monde (à part les labos) alors que l’urgence devrait être de décupler les capacités de production, pas de se voler des doses comme on s’est volé des masques. D’autant plus que les variants exigeront possiblement de nouveaux vaccins adaptés : recommencera-t-on alors la même bagarre pour des doses produites au compte goutte et au prix fort ? Il est temps d’organiser un système multilatéral public de développement, de production et de distribution des vaccins ! Et prévoyons de faire de même pour les traitements qui viendraient à être homologués.
Avec le dérèglement climatique, la dégradation des écosystèmes et la mondialisation, nous entrons dans un “ère de pandémies” et de crises écologiques que le marché est incapable de traiter. Alors Mme la ministre, cessez de défendre à tout prix les profits des actionnaires et cessez vos mensonges. Il est temps de sortir la santé et l’intérêt général des logiques de marché et du profit pour affronter les défis collectifs auxquels l’humanité est et sera confrontée.
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