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Privatisation du TER Marseille-Nice : l’Union européenne et la droite main dans la main contre notre service public !

Billet d'humeur 26 septembre 2021

Quand j’étais enfant et ado, je prenais très régulièrement le TER sur la ligne entre Marseille et Nice. Fille de parents divorcés, le train était devenu mon moyen de transport de l’un à l’autre. C’était aussi celui qui nous emmenait à Nice pour les grandes manifs contre le CPE. Longeant la côte d’Azur, assise dans ces vieilles rames qui pour la plupart n’ont toujours pas été changées, je voyais défiler les paysages côtiers et ses contrastes, entre bétonisation et petites criques. Quiconque habite la région sait aussi à quel point le TER est cher, vétuste, et trop peu régulier. Fruit d’un abandon progressif de la région et d’un manque d’investissement public.

Pour le rendre plus accessible, Macron, l’UE et la région ont eu une brillante idée : le privatiser. Spoiler alerte : çe ne marchera pas. Pour la première fois en France, la SNCF pourrait perdre la gestion d’une liaison TER, au profit d’une boite privée, Transdev. Les années d’obsession de l’Union européenne (et d’Emmanuel Macron et des Républicains) pour l’ouverture à la concurrence du transport de voyageurs ont finalement réussi à désintégrer notre service public, au détriment des travailleurs comme des usagers.

Comment en est-on arrivés à une telle situation ? D’abord les politiques d’austérité. Depuis des années, les régions reçoivent des dotations insuffisantes de la part de l’Etat pour exercer pleinement les compétences toujours plus importantes qui sont les leurs. L’Etat lui-même rechigne à investir dans le réseau de transport. Le tout fortement encouragé par l’Union européenne, qui surveille les dépenses publiques comme le lait sur le feu.

Ensuite, l’ouverture à la concurrence. Depuis 2001, l’Union européenne et les relais de l’ultra-libéralisme en France s'emploient méthodiquement à casser le service public du rail. La SNCF se retrouve progressivement mise en concurrence sur le transport de marchandises, perdant les lignes rentables au profit du privé. En 2016, l’Union européenne décide avec l’aval d’Hollande et de Macron de faire de même pour le transport de voyageurs. En l’absence d’investissements publics et dans un contexte d’affaiblissement de la SNCF, le réseau se détériore, le service aussi, et le mécontentement des usagers grandit. Le cocktail parfait pour faire accepter la concurrence et la privatisation progressive des transports français. Et la boucle est bouclée.

Renaud Muselier, le président Les Républicains de la région PACA l’a bien compris. Véritable idéologue de la concurrence, il entreprend dès 2016 de couler la SNCF. Il refuse d’abord de renouveler la convention régionale, implore Macron "d'ouvrir les trains régionaux à la concurrence le plus vite possible" et baisse arbitrairement de 35 millions par an le contrat entre la région et la SNCF. Enfin, vient le temps de l’ouverture à la concurrence européenne dans laquelle Renaud Muselier se précipite, refusant d’utiliser une clause prévue par le droit européen pour préserver les TER de la concurrence. Le Marseille-Nice doit être livré au privé. D’autres liaisons autour de Nice, sont, elles cédées à une filiale de la SNCF, habile technique pour faire perdre des droits aux travailleurs.

Les conséquences de cette privatisation seront dramatiques pour les actuels salariés mais aussi à terme pour les usagers. 163 agents de la SNCF doivent être transférés à la nouvelle exploitante de la ligne, Transdev. S’ils refusent, ils seront licenciés. Pour les autres agents SNCF, ils doivent choisir s’ils veulent rejoindre la nouvelle filiale SNCF. Le cas échéant, ils peuvent être classés n’importe où dans la région ou même en France .Autant dire que quand vous vivez à Marseille, que vos enfants y sont scolarisés et que l'entièreté de votre vie y est, vous y réfléchissez à deux fois avant de tenter le reclassement. Une forme particulière de volontariat...

Le résultat de ce chantage (mécanisme imaginé par la direction de la SNCF, digne des plus grandes multinationales et inscrit dans la loi par Macron), c’est que de plus en plus de cheminots sortent de la SNCF et perdent donc leur statut protecteur. Et c’est bien là tout le vice de l’ouverture à la concurrence du rail : l’organisation d’un dumping social généralisé entre les travailleurs du secteur, qui tire tout le monde vers le bas. Un conducteur de train épuisé par des cadences infernales peut faire des erreurs dont les conséquences sont irréparables. Affaiblir les exigences de sécurité, comme le nombre de contrôleurs, la répartition des tâches avec le conducteur, le personnel d’aiguillage, de signalisation, met l’ensemble des usagers en danger. Les usagers n’ont rien à gagner à la libéralisation du rail et autant à perdre que les travailleurs. 

Et les conséquences ne s’arrêtent pas au train puisque les modes de transport sont également mis en concurrence. En témoigne la grève actuelle des chauffeurs de bus de Transdev (encore elle) qui dénoncent la détérioration de leurs conditions de travail par l’entreprise, dans le seul but de doubler la SNCF et tous les autres opérateurs, en jouant sur les prix. Une guerre des prix alimentée par Valérie Pécresse, présidente (encore) Les Républicains d’Île-de-France, qui comme Renaud Muselier en PACA, fait tout pour remplacer les acteurs publics par des boites privées. Tant pis pour les travailleurs et les usagers. 

Les idéologues de la concurrence n’ont manifestement pas tiré les leçons de la privatisation des transports au Royaume-Uni, qui se voit aujourd’hui contraint de renationaliser des pans entiers de son réseau tant la situation est devenue chaotique. Cette expérience démontre une bonne fois pour toute que l’ouverture à la concurrence n’est que pure idéologie. Cela n’a jamais fait baisser les prix. Cela n’a jamais amélioré la qualité du service. Cela n’a jamais favorisé des modes de transports plus durables. Le seul effet de la concurrence est d’occulter un point pourtant essentiel : les êtres humains ont besoin de se déplacer, pour travailler, pour étudier, pour vivre. Se déplacer est un besoin, pas un bien de consommation. Seul le service public permet de sortir de la logique de marché et de répondre à ce besoin de manière satisfaisante et à un prix abordable.

C’est pourquoi nous défendons le rétablissement dès 2022 d’un pôle public des transports, hors concurrence, hors marché, pour réorganiser sur notre territoire un service public efficace, sûr et écologique. Pour cela, il faudra désobéir à l’Union européenne, d’abord pour investir dans ce nouveau projet industriel, mais aussi pour refuser la logique de privatisation du transport qu’elle, les Macron, les Muselier et les Pécresse tentent de nous imposer ! 

Quant à mon TER Marseille - Nice, j’espère continuer à le prendre souvent d’un bout à l’autre de ma région qui a tant besoin d’un véritable service public du transport durable et accessible.

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