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Le G7 met fin à l’évasion fiscale des multinationales : vraiment ?

Billet d'humeur 8 juin 2021

La “fin de l’évasion fiscale”. Un “accord historique”. Voire même la “révolution fiscale”. Voilà comment a été présentée ces derniers jours l’annonce du G7 (rassemblant les 7 premières puissances du monde) sur un taux d’imposition minimum des multinationales. Et les macronistes de crier victoire en s’attribuant la paternité de l’accord. Alors les Amazon, Total et Google vont-ils enfin payer leurs impôts le tout grâce à Macron ? Malheureusement, on en est encore loin.

De quoi parle-t-on ? Le texte final a  été bien mal présenté par de nombreux commentateurs, trop occupés à reprendre la communication du gouvernement. Concrètement, les pays du G7 se sont accordés sur le niveau d’un potentiel taux d’impôt minimum pour les grandes entreprises multinationales. Le principe est simple : couper l’herbe sous le pied aux entreprises qui délocalisent artificiellement leurs profits dans des paradis fiscaux en s’assurant qu’elles paient quand même un taux minimum d’impôt dans tous les pays où elles ont une activité. Les entreprises ne pourraient ainsi plus faire leur marché en cherchant les pays à la fiscalité la plus avantageuse et ainsi créer une compétition fiscale entre Etats.


On a tant laissé les paradis fiscaux prospérer et tirer l’imposition des multinationales vers le bas qu’en 30 ans, les taux d’impôt sur les sociétés ont été divisés par deux. Il est donc temps de refermer cette parenthèse de l’histoire en abolissant les privilèges fiscaux dont elles bénéficient. Et ce d’autant plus que les impôts que ne paient pas les multinationales, ce sont évidemment les citoyens et les petites entreprises qui finissent par les payer, eux qui n’ont pas de filiales dans les paradis fiscaux.


Dans un tel contexte, un taux minimum adapté pourrait permettre  de mettre un coup d’arrêt à cette course au moins disant fiscal et enfin s’attaquer aux paradis fiscaux. Cela fait 10 ans que je me bats pour cette mesure, en tant que porte-parole d’Oxfam puis comme eurodéputée. 10 ans où nous avons été bien seuls aux côtés de quelques économistes et ONG à marteler cette proposition dans un désert d’indifférence. Qu’au plus haut niveau, des Etats s’accordent enfin sur le principe d’un taux minimum qui était impensable il y a quelques mois est donc une immense victoire culturelle. Jusque là, on signe !


Sauf que notre idée n’a été reprise… qu’en partie. En réalité, l’accord du G7 comporte de nombreuses failles qui vident la mesure de son efficacité. Nos adversaires sont rompus à cette technique : vous voulez la transparence fiscale, d’accord on va le faire mais seulement pour 20 % des pays du monde, et certainement pas les actuels paradis fiscaux. Vous voulez un grand plan d’investissement pour le climat ? On va faire un paquet qu’on appellera Green Deal, qui consiste davantage à publier des communiqués de presse qu’à légiférer ou débloquer des financements.


Même entourloupe donc ce weekend avec le taux minimum retenu pour la taxation des multinationales à seulement 15%. Soit seulement 2,5 % de plus que le taux de l’Irlande, qui est l’un des pires paradis fiscaux du monde. Le fait que le taux soit aussi bas pose des problèmes sérieux : d’abord, il rapportera aux Etats bien moins que prévu. Par exemple, la France ne gagnerait que 4 milliards par an avec un taux à 15 %. Cela aurait été quatre fois plus (16 milliards) pour un taux à 21 % et près de 10 fois plus avec un taux à 30 % (39,2 milliards). Pourquoi continuer à se priver de tant d’argent ?


Ensuite, la faiblesse de ce taux ne nous protège pas vraiment contre la course au moins disant fiscal. Seuls 3 pays de l’OCDE se situent en dessous de ce taux. On pourrait donc se retrouver avec une course vers le bas où tous les pays cherchent à se rapprocher du  seuil de 15 % plutôt qu’un mouvement d’harmonisation vers le haut. Par ailleurs, l’accord ne dit rien des politiques d’exonérations fiscales, qui permettent d’abaisser encore l’imposition des entreprises. Et notamment des “crédits d’impôts” en tout genre dont la France est devenue la grande spécialiste. On risque donc de passer d’une logique de compétition sur le taux à une compétition sur les exonérations. 


Pas de quoi fanfaronner donc pour le gouvernement… qui tient par ailleurs un double langage mensonger sur le sujet. Car le moins que l’on puisse dire, c’est que Bruno Le Maire n’a pas brillé par son ambition dans cette affaire. Quand Joe Biden a proposé de fixer ce taux à 21 %, un niveau déjà bien plus acceptable que 15 %, la France  a brillé par son silence, préférant s’activer en coulisses pour relayer les demandes du MEDEF. Le ministre des finances défendait même encore il y a quelques semaines un taux riquiqui de 12.5% !


L’accord du G7 est donc bien décevant. Mais rien ne nous impose de nous en contenter. Au contraire ! Un Etat pourrait décider d’aller plus loin, en fixant son propre taux minimum plus élevé et en collectant ce que les entreprises ne paient pas aux paradis fiscaux ! C’est ce que défend Gabriel Zucman avec sa proposition de taxe sur le déficit fiscal, sorte d’impôt universel pour les entreprises, et ce que compte faire Joe Biden, avec un taux minimum de 21 %, donc au-delà du potentiel taux minimum mondial ! On entend étrangement moins le gouvernement sur ce point…


En 2022, nous saurons aller plus loin. Avec une imposition universelle des entreprises comme des particuliers, le temps des paradis fiscaux sera véritablement révolu. Les plus pauvres arrêteront de pays pour une poignée de privilégiés. Et, enfin, nous pourrons parler de “révolution fiscale” tant attendue. Chiche ?

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