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#MeTooInceste, #MeTooGay : accompagnons la parole qui se libère face aux rapports de domination dans l’intime

Billet d'humeur 22 janvier 2021

Les ressorts de ces violences sont les mêmes : les rapports de domination appliqués aux corps. Le mécanisme est le même : le sentiment de toute-puissance de celui qui abuse de sa position d’ascendant. L’ennemi est le même : le patriarcat qui régit les sphères de l’intime comme il régit les sphères de pouvoir. Cette vague le fragilise comme jamais. Notre rôle politique est de ne pas passer à côté.

Depuis le 4 janvier dernier et les premiers articles du Monde sur la publication de “La Familia Grande”, une brèche s’est ouverte dans l’omerta généralisée sur l’inceste. La force du témoignage de Camille Kouchner a provoqué une déflagration qui ne faiblit pas. 


La question des violences sexuelles faites aux enfants, qui se déroulent majoritairement dans la sphère de la famille, des proches, des personnes de confiance, n'est pas une découverte. Comme celle des violences faites aux femmes. Les ordres de grandeur sont connus et sont énormes même s’il est impossible de les quantifier précisément. 10% d’enfants sont victimes de violences sexuelles. L’immense majorité par un père, un beau-père, un frère, un oncle. Cela représente deux enfants par classe. 130 000 filles et 35 000 garçons, chaque année.


Que nous le sachions ou non, chacun d’entre nous connait un proche victime de violences sexuelles dans son enfance. Seule une infime minorité porte plainte et seule une part encore plus infime des plaintes est suivie d’une condamnation en justice. L’inceste n’est pas une spécificité française. Mais son déni est particulièrement tenace en France où des certains milieux intellectuels ont non seulement couvert mais aussi revendiqué le droit d’entretenir des relations sexuelles avec des enfants. Finkielkraut n’a par exemple rien trouvé de mieux à faire que de questionner le consentement. Comme si un enfant pouvait être consentant.


La publication du livre de Camille Kouchner est essentielle car elle a fait sauter les premiers verrous de l’auto censure. D’abord dans les médias, qui ont ouvert leurs antennes et leurs plateaux aux témoignages des victimes. Qui ont mis face à leurs responsabilités les nostalgiques des années 70 où il était de bon ton de signer des pétitions en faveur de la pédocriminalité. Qui ont confronté les contre-attaques réactionnaires sur le thème de la “dictature du politiquement correct”. Qui ont laissé de côté les faux débats sur la présomption d’innocence ou le consentement pour laisser place à l’écoute.


Ce moment était nécessaire. L’inceste relève du plus intime et il fallait d’abord lire et entendre ces témoignages. Leur offrir des espaces pour qu’ils s’expriment. Les digérer. Pour tenter de comprendre l’impact sur les vies concernées. De saisir l’horreur de devoir subir à la fois les actes mais aussi leur impunité. D’imaginer ce qu’est avoir peur chaque soir lorsqu’on est un enfant. De devoir vivre avec le trauma et l’humiliation pendant qu’on subit les violences. De subir des pressions et du chantage pour ne pas les révéler. De devoir les revivre quand on arrive finalement à en parler. 


Au-delà des reportages TV et radio et des dizaines de milliers de témoignages sur les réseaux sociaux, se cache un autre mouvement, plus privé, plus discret et tout aussi puissant. Celui du courage donné aux victimes, d’un espoir qui se crée chez certaines, d’une prise de conscience chez les proches qui se doutent, d’un sentiment d’impunité qui s’estompe chez les agresseurs d'aujourd'hui, d’hier ou de demain. C’est pour cela qu’il faut faire écho de toutes nos forces à la séquence, accompagner, diffuser, partager cette parole. Pour montrer à tous les enfants qui ont été, sont ou seront concernés que nous sommes à leurs côtés.  

 

Les débats législatifs et politiques, sur l’imprescriptibilité des crimes incestueux, la présomption de non consentement, la formation des Juges, des policiers, des enseignants, etc sont nécessaires. Ce sont des questions essentielles, qui doivent être réfléchies en lien avec les victimes, les associations, les professionnels concernés. Mais ne nous enfermons pas aujourd’hui dans un débat pour ou contre telle ou telle mesure et ne pensons pas que seule la loi, même si elle doit donner des signaux clairs, pourra régler le problème. Car le moment est plus profond et s’inscrit dans une lame de fond structurelle.


Qui est partie du cinéma avec Adèle Haenel, s’est étendue à l’ensemble des femmes, a touché le sport avec Sarah Abitbol, puis a atteint à la famille avec #MeTooInceste, et  encore tout récemment les homosexuels avec #MeTooGay depuis hier. Qui s'attaquera demain peut-être à d’autres tabous comme les violences à l’encontre des personnes handicapées et des personnes âgées. La parole qui s’est libérée sur l’inceste appartient à ce mouvement social plus large sur les violences sexistes et sexuelles, qui s’est diffusé et a résonné dans toutes les strates de la sociétés. 


Les ressorts de ces violences sont les mêmes : les rapports de domination appliqués aux corps. Le mécanisme est le même : le sentiment de toute-puissance de celui qui abuse de sa position d’ascendant. L’ennemi est le même : le patriarcat qui régit les sphères de l’intime comme il régit les sphères de pouvoir. Cette vague le fragilise comme jamais. Notre rôle politique est de ne pas passer à côté.

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